par Victor Sandoval
Texte en cours de mise au point. Version définitive prévue en 1998.
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Chapitre 2 Le secteur de l'information caractérise une nouvelle étape de la croissance économique
Introduction: l'information devient un élément discriminant dans la caractérisation de la croissance des économies développées
Afin de répondre à la question posée, nous allons nous tourner sur quelques approches théoriques qui essayent de caractériser les économies ayant atteint un très haut niveau de développement industriel. Nous pensons que l'appélation "post-industriel", utilisée pour se reférer à l'étape postérieure à l'industrie, est trop général d'un point de vue scientifique. En effet, on sait que l'industrie (de même qu'agriculture) sert à définir une économie (et une société) "industrielle" (agricole); il doit être de méme pour caractériser l'économie post-industrielle. Mais quel est le trait caractéristique de cette dernière? Les approches théoriques que nous présentons considérent généralement l'information comme l'un des éléments discriminants permettant une caractérisation des économies post-industrielles. D'où notre intérêt pour celles-ci.
Mais n'aborderons que les approches théoriques de l'économie de l'information d'origine américaine (1), en particulier, deux d'entre elles: celle de Marc Uri Porat et celle de Charles Jonscher. Ce choix mérite deux explications. Premièrement, ce sont les théoriciens américains les premiers à étudier cette question, d'où notre intérêt pour leurs travaux. Deuxièmement, s'il peut paraître exagéré d'appeler "théorie" les modèles des auteurs mentionnés, nous avons tendance à les appeler ainsi en raison non seulement du caractère pionnier mais aussi parcequ'elles font "école" scientifique. En effet, dans les deux cas il s'agit de travaux qui analysent l'économie des Etats Unis sur de nouvelles bases: ils font une lecture de cette économie selon l'axe "information". Cela avait été déjà entrepris par d'autres (Machlup, par exemple) mais les études de Porat et de Jonscher sont beaucoup plus achévées et, de ce fait, elles peuvent s'appliquer à d'autres économies développées.
Les deux approches mentionnées cherchent à dégager les caractéristiques principales de la nouvelle structure de l'économie américaine qui se met en place dès la fin des années 50 et à caractériser ainsi la nouvelle étape de la croissance. Ces changements de structure sont facilement repérables au niveau de la composition de la force de travail ou de la contribution des divers secteurs à la création de la valeur ajoutée produite par les Etats Unis. Nous sommes donc face à ce qu'on pourrait cataloguer comme une "dernière approche" de l'évolution de l'économie de ce pays. La connivence entre ces approches, les étapes de la croissance et les secteurs de l'économie (abordées dans le chapitre 1) apparaît alors très nettement. L'économie de l'information ne peut être analysée qu'en termes de secteur économique et d'étape de la croissance.
En outre, la caractérisation de la croissance économique est liée à l'évolution structurelle des économies. Cette évolution peut être observée de plusieurs manières dont voici quelques exemples.
Depuis le début du machinisme qui caractérise l'époque moderne, la machine libère l'homme d'une partie toujours plus grande de son activité manuelle ainsi que des capacités humaines qui restent disponibles pour faire autre chose que ce qu'elles faisaient auparavant. Parallèlement cette machine conditionne l'activité productive. Tant il est ainsi qu'à partir de cette interrelation machine-travail synthétisée dans l'activité de production, on peut dire que la civilisation moderne est la civilisation de la "mécanique", de cet aspect certains ferons de la notre une civilisation de la matérialité.
Or, un processus similaire va se produire avec l'autre composante du travail humain: la partie intellectuelle du travail. Les besoins du travail intellectuel, du travail de création évoluent et changent avec le temps. Aux premiers stades du développement industriel les ingénieurs, par exemple, étaient presque une exception. Actuellement, ils sont très nombreux et la production n'est pas imaginable sans leur concours. Les techniciens, les cadres moyens et les agents de maîtrise augmentent, eux aussi de manière très importante. Diverses projections sur l'évolution de la structure de la population active laissent entendre que les cadres supérieurs et moyens seront encore à la croissance dans les prochaines décennies.
Des moyens de production très sophistiqués se rajoutent aux anciens moyens purement mécaniques. Charles Babbages (2), un auteur classique du XIXème siècle qui vécut en pleine révolution industrielle en Angleterre, a écrit qu'à cette époque il fallait beaucoup d'heures de travail pour calculer une simple table de taux de croissance et il y avait une pénurie de gens qualifiés, capables de faire un tel travail. Actuellement cela peut se faire en moins d'une seconde et il existe de nombreuses personnes competentes capables de faire des telles opérations avec ces machines que sont les ordinateurs. Le contenu du travail et les interrelations travail humain-moyen matériel de production ont été pratiquement bouleversés en moins d'un siècle....Cela est peu de chose dans l'histoire déjà plusieurs fois millenaires de l'aventure humaine sur terre. Or ce processus s'accélère de plus en plus au cours des dernières décennies et aujourd'hui même avec l'introduction des nouvelles technologies.
Ce changement des proportions qui a lieu au sein du système de production n'est pas sans répercussion sur la société globale. En effet, à cette presence d'un groupe toujours plus nombreux de salariés occupés dans l'activité intéllectuelle (technique et génie principalement au niveau de la production directe) se joignent deux groupes nouveaux par leur nombre et leur qualité: les enseignants et les scientifiques dont l'irruption se fait avec beaucoup d'éclat au cours des 30 dernières années. Ceci résulte, entre autres, de la généralisation de l'école primaire et secondaire obligatoire et du développement de l'enseignement supérieur et de la recherche publique et privée. Ces changements ont entraînés plusieurs consèquences, certaines d'entre elles seront étudiées dans la deuxième partie.
Sur le plan socio-professionnel les catégories se diversifient et de nouvelles proportions et hiérarchies s'établissent entre elles. En termes relatifs la catégorie "ouvrière" perd de son poids traditionnel dans l'ensemble de la population active, contrairement à la catégorie "ingénieurs, cadres et techniciens" qui en gagne. Sur le plan sociétal cette recomposition de la population active dessine de nouveaux clivages sociaux et culturels.
L'explosion de l'éducation, la mutation technologique et sociale accélérée, les liens tissés entre développement économique et développement de la connaissance, le changement technologique et scientifique, l'éclosion de l'information sont quelques uns des nouveaux phénomènes qui caractérisent nos sociétés et qui nécessitent des réponses globales de l'analyse économique. La vieille idée des Anglais, reprise par Charles Babbages (3), selon laquelle le savoir est le pouvoir économique, commence à devenir une réalité presque quotidienne, accentuée en plus par la nouvelle révolution technologique.
Ces mutations technolgiques, sociétales, culturelles et économiques soulignent l'entrée d'un élément nouveau dans toutes nos relations: l'information. L'information devient un fait économique, toujours est-il qu'elle est omniprésente. L'information au niveau d'un individu, d'un consommateur au sens économique, d'un secteur, d'un pays ou d'un continent pose de nouvellles questions. Elle devient un paramètre indispensable dans la lecture des économies modernes. Cependant, les approches abordées dans ce chapitre ne tiennent compte que d'un aspect de la question: l'information comme élément permettant de dégager un nouveau secteur de l'économie et de caractériser une nouvelle étape de la croissance.
Si l'approche de M. U. Porat est centré sur l'identification du secteur de l'informations, l'approche de Ch.Jonscher identifie le secteur de l'information à partir des activités de coordination et d'organisation dans l'économie aux Etats Unis. Il s'agit d'une démarche qui va de la micro-économie vers la macro-économie. A partir de là, ce dernier auteur pose le problème de la relation entre le secteur de l'information et le reste de l'économie en termes de productivité du travail.
2.1 L'identification du secteur de l'information de l'économie et de ses composantes
La première question qui se pose est celle de l'identification d'un secteur de l'information dans une économie. Cette question a été abordée par M. U. Porat qui a réalisé une très longue étude statistique sur l'économie des Etats-Unis. Nous allons étudier cette approche en traitant successivement les questions suivantes: comment à été identifié le secteur de l'information dans l'économie américaine (la méthode suivie, la typologie de professions d'information dégagée), les composantes du secteur de l'information (le secteur primaire et secondaire), la manière dont les secteurs primaire et secondaire contribuent à la création de la valeur ajoutée (formation du PIB), l'influence de l'emploi d'information sur la productivité du travail et, finalement, pourquoi l'économie américaine est considérée comme une économie de l'information.
2.1.1 Comment a été identifié le secteur de l'information dans l'économie américaine
a) M. Porat montre l'importance du secteur de l'information dans l'économie des Etats-Unis
L'étude de l'économie de l'information, développée par M.U. Porat, est à l'heure actuelle l'une des plus connues et complètes. Néanmoins cette étude a une filiation théorique dans les travaux précurseurs réalisés par des auteurs comme F. Machlup au début des années 60 aux Etats Unis (4).
En effet, F. Machlup était l'un des premiers à réussir la mesure des ressources allouées par l'économie à la création et au traitement de la connaissance comparé à d'autres productions sociales. D'autres études ont suivi celle-ci ou se sont produites indépendemment. Parmi ces études il semble utile de signaler celle de Peter Drucker (1967) (5) et celle de Daniel Bell (1973) (6). Mais, comme le souligne Ch.Jonscher du MIT, l'identification des activités de traitement de l'information en tant que secteur à part entière est due à M.U. Porat qui les a "développées de manière très pragmatique" (7).
L'existence d'un secteur de l'information dominant tranforme le dit secteur en secteur de base de l'ensemble de l'économie. Désormais les aspects intellectuels vont être plus importants que les aspects physiques des activités économiques et, par la nature essentiellement bureaucratique de l'information - bureaucratique au sens de "travail de bureau ou de pupitre" - la nature et le contenu du travail à réaliser dans l'économie vont changer en profondeur et intensité.
Un exemple, particulièrement remarquable, sont les relations entre les entreprises de taille différente. Les décisions et le pouvoir sur les marchés sont entre les mains des organisations de grande taille et relativement protégées, les producteurs atomisés ne jouant qu'un rôle de second plan. Pratiquement, des groupes et des réseaux d'entreprises sont formés, accentuant ainsi la tendance à l'interdépendance entre partenaires économiques. Certains éléments de la célèbre théorie de l'économiste américain J.K. Galbraith sur le rôle de la technostructure dans l'Etat industriel (8) sont alors renforcés. En effet, l'analyse statistique fouillée de la composition de la force de travail à l'intérieur des entreprises modernes montre la croissance en nombre de secteurs jadis appellés "cols blancs".
b) La méthode d'analyse du secteur de l'information s'appuie sur la comptabilité nationale et définit le travail d'information selon son but principal
M. Porat représente et formalise un secteur de l'information au sein de la comptabilité nationale. Puis il dégage les premières relations entre ce secteur et le reste de l'économie au moyen de tableaux d'entrées-sorties. En établissant ces relations, il s'inscrit dans la tradition inaugurée par d'illustres économistes comme S. Kuznets (9), J.R. Hicks (10) et W. Léontieff (11).
Comment M.U. Porat s'y prend pour identifier le secteur de l'information de l'économie? Quels sont les éléments clés pour construire ce secteur? En réalité, le cheminement de M. Porat est très simple. Sa méthode consiste à chercher la proportion de la population occupée principalement à traiter de l'information. A partir de ce moment la population active n'est plus ventilée en trois secteurs classiques d'activité (primaire, secondaire et services ) selon la distinction de Colin Clark (Cf. Chapitre 1) mais en quatre secteurs d'activité: agriculture, industrie, services matériels et information (12).
Mais on sait que l'activité d'information existe partout dans la vie économique (13). En effet, l'ouvrier qui manipule des compteurs traite de l'information de même que l'ingénieur qui étudie le comportement d'un système autopoyètique ou le fermier qui organise le planning de sa production annuelle. La question est de savoir selon quel critère M. Porat identifie un emploi comme étant un emploi d'information. Or le critère utilisé par M.U. Porat pour définir l'emploi d'information n'est pas tant le contenu d'information que son but principal ou premier.
Selon ce critère on attribue au secteur de l'information les emplois dont le but premier est la production, le traitement ou la diffusion d'informations. Ainsi, un chercheur scientifique est producteur d'informations nouvelles. Un employé aux commandes d'une machine qui traite seulement de l'information ou un enseignant qui diffuse de l'information sont aussi directement et premièrement liés à la transmission d'information. Mais l'ouvrier ou le fermier réalisent un travail dont le but principal n'est pas produire de l'information. Les activités d'information qu'ils réalisent quotidiennement sont tout simplement subordonnées au but principal qui est de produire des biens matériels. Pour ces raisons ils ne peuvent pas simplement être incorporés dans le secteur de l'information.
c) Une typologie de professions d'information a été créée
A partir de cet approche de l'emploi d'information, l'auteur fait un travail très long et pénible de repérage des professions d'information en se fondant sur les statistiques du travail et de la comptabilité nationale des Etats Unis. Ce travail statistique va lui permettre de construire une typologie des professions d'information, l'une des principales conclusions de l'étude. Cette typologie distingue quatre catégories d'emploi d'information: les producteurs d'information, les traiteurs d'information, les propagateurs d'informations et les professions d'infrastructure d'information (Cf. tableau I).
Quelles sont les tâches assignées à chacune de ces catégories? M. Porat. donne des définitions assez précises sur cette question.
La première catégorie crée ou transforme l'information afin de l'adapter à répondre aux besoins des utilisateurs. Dans cette catégorie on trouve les travailleurs scientifiques et techniques qui sont essentiellement occupés dans les activités de recherche ou d'autres activités créatrices. Le personnel de collecte de l'information se consacre principalement à la création d'information par des activités de recherche et d'évaluation.
Les spécialistes d'études et de la coordination des marchés fournissent, par les travaux de recherche qu'ils effectuent, des renseignements sur la situation des marchés à des acheteurs, à des vendeurs et aux deux (courtage, par exemple). Enfin, les services de consultants recouvrent les professions qui, pour l'essentiel, exploitent un ensemble pré-existent d'information pour répondre aux besoins de particuliers, d'un client ou d'une situation.
La fonction essentielle de la deuxième catégorie est de recevoir des informations et d'y donner suite. L'interéssé peut être appelé à décider, à faire effectuer ou exécuter une opération quelconque de traitement de l'information reçue. Parmi les professions de cette catégorie on trouve: les directeurs et cadres administratifs supérieurs qui reçoivent l'information indiquant les résultats de l'ntreprise et la transmettent à leurs supérieurs ou à leurs subordonnés. Ils décident, organisent, planifient, interpretent ou exécutent une politique.
Le personnel de contrôle et de supervision est chargé de controler et de coordonner dans le contexte d'un processus technique ou un groupe d'employés qui participent au déroulement d'un tel processus. Le personnel administratif reçoit l'information sous forme de correspondances et des données, verbales ou enregistrées et ils traitent cette information pour la mettre sous la forme voulue par l'entreprise.
La troisième catégorie se consacre principalement au transfert de l'information entre le créateur et l'usager. Parmi les professions de cette catégorie on trouve les éducateurs et les spécialistes de la communication. Ainsi, les éducateurs propagent, pour l'essentiel, l'information qui a déjà été créée et la rubrique spécialistes de la communication englobe diverses professions de la presse et du spectacle.
Enfin, la quatrième catégorie se consacre à l'installation, l'utilisation et la réparation des machines et systèmes servant aux activités précedantes. Parmi les membres de cette catégorie on trouve les travailleurs des machines d'information et les employés des postes et de télécommunications.
Cette typologie reprend dans ses grandes lignes une autre typologie qui avait déjà été utilisée F. Machlup (14) lorsqu'il avait estimé la part de la population active occupée dans l'éducation, la recherche et autres activités d'information aux Etats Unis. M.U. Porat signale, néanmoins, trois différences importantes avec la méthode de F. Machlup: l'utilisation rigoureuse des définitions et des concepts de la comptabilité nationale; la nette séparation entre secteurs informationnels marchands et non marchands et la réunion d'une comptabilité de la demande (Machlup) et d'une comptabilité de revenus (valeur ajoutée).
Cependant il faut souligner que M.U. Porat profite largement de l'évolution des séries comptables américaines et de son état de désagrégation qui permet une recomposition et une analyse plus fine des activités d'information, ce qui était beaucoup plus difficile à concevoir au début des années 60 lorsque F. Machlup commençait à écrire sur l'économie de la connaissance (nous préférons l'appeler ainsi, Cf. nos "Théories macro-économiques de l'Information").
2.1.2 Les deux composantes du secteur de l'information
Une fois que l'emploi d'information a été repéré, l'auteur va identifier plus précisement le secteur de l'information de l'économie.M.U. Porat distingue deux secteurs de l'information: le secteur primaire et le secteur secondaire.
a) Le secteur primaire de l'information ou les biens et services liés à l'information
Ce secteur comprend tous les biens et services liés à l'information qui sont vendus sur les marchés. On y inclut certaines parties des activités financées par le gouvernement comme l'enseignement, la recherche et le développement. Bien entendu toutes ces activités ne peuvent pas être vendues sur des marchés à des prix non nuls. Cependant on considère qu'elles peuvent être distinguées de leurs équivalents de marché et donc on peut incorporer leur contribution à la création de la valeur ajoutée dans le secteur primaire
Pour être inclus dans ce secteur le produit et le service doivent véhiculer de l'information ou doivent être directement utiles dans sa production, son traitement et sa distribution.
A partir de là on établit une typologie des professions et emplois correspondants au secteur primaire. Cette typologie s'établit au niveau des branches d'activité. On a ainsi les branches qui traitent elles-mêmes de l'information ( les services comptables, la magistrature, l'enseignement, la radio et le traitement de l'information) et celles qui assurent la fabrication, la distribution et la fourniture des produits d'information tangibles.
A titre d'exemple, voici un schéma pour quelques branches.
TABLEAU II.- INVENTAIRE DES ELEMENTS DU "SECTEUR PRIMAIRE DE L'INFORMATION"
Branche 1. Agriculture, forêt et pêche.
Travaux d'inspection, d'essai et de classement des produits agricoles effectués sous contrats, services d'enregistrement.
Service d'inspection de la pêche.
Branche 2. Industries extractives.
Services de triage du charbon
Prospection du pétrole brut et du gaz naturel.
Branche 3. Industries manufacturières.
Industries des textiles, de l'habillement et du cuir:
Services/usines de triage de textiles; fabrication de portefeuilles.
Industries du bois et fabrication d'ouvrages en bois:
régles de bois; bureaux, bibliotèques, rayons et matériel d'étalage, armoires de bureau, meubles de bureau, meubles scolaires.
Fabrication de papier et d'articles en papier, imprimerie et édition:
papier pour livres, lettres, machines à écrire, journaux; classeurs, chemises; papier pour machines à additionner, enveloppes,etc..;impression, édition et branches annexes.
Industrie chimique et fabrication de produits chimiques, de dérivés du charbon, du pétrole et d'ouvrages en caoutchouc et en matière plastique: encres et charbon black, substances photo-chimiques et pellicules, films radiographiques; meubles vitrines et supports d'émulsions photographiques en matière plastique.
Fabrication des produits minéraux non métallurgiques, à l'exception des dérivés du pétrole et du charbon. (Verre, etc..)
Fabrication d'ouvrages en métaux, de machines et de matériel:
outils de précision mécanique; bibliotèques, casiers, bureaux classeurs et meubles de bureau en métal; machines à trier, caractères d'imprimerie; machines pour la reliure, presses à imprimer, etc..; instruments industriels de contrôle électrique; fabrication de matériel et d'appareils radio, de télévision et des télécommunications; fabrication de matériel de mesure et contrôle de type professionnel et scientifique non classé ailleurs; fabrication de matériel photographique et instruments d'optique; fabrication des montres et horloges etc....
Branche 4: Transports, entrepôts et communications.
Branche 5: Bâtiment et travaux publics.
Branche 6: Commerce de gros et de détail.
Branche 7: transports,entrepôts et communications.
Gares de triage des chemins de fer; exploitation de centres de contrôle de la circulation aérienne, exploitation des stations radar; services d'inspection et d'échantillonnage liés aux transports, agences de voyages et de tourisme; communications, services postaux, services de radiocommunication, services télégraphiques, téléphoniques et de télétype.
Branche 8: Banques, assurances, affaires immobilières et services fournis aux entreprises;
Institutions monétaires; courtiers en effets de commerce et intermédiaires financiers; chambres de compensation, conseils financiers; conseil juridique; services de la comptabilité; services d'ingénieurs et architectes; services de publicité; location prêt bail de machines de bureau.
Branche 9: Services fournis à la collectivité, services sociaux et services personnels.
Enseignement; services médicaux; production de films cinématographiques; distribution de films cinématographiques; radiodiffusion et télévision; entreprises théatrales; auteurs, compositeurs; bilbliotèques, musées et établissements assimilés; réparation, entretient et installation de postes radio; réparation de montres; secrétaires privées; studios photographiques.
La liste de professions du tableau II montre la plupart des groupes informationnels correspondants aux branches de la comptabilité nationale des Etats Unis qui ont été développées à titre d'illustration ( dans le but de raccourcir cette présentation nous n'avons pas développé les branches 4, 5 et 6 comme le montre le tableau II). En outre, soulignons que dans chaque branche toutes les activités sont repérées par le code de la comptabilité nationale et que les groupes de la nomenclature qui ne figurent pas sur cette liste sont considérés comme étant non informationnels.
b) Le secteur secondaire de l'information ou la consommation intermédiaire des biens et services d'information par les autres secteurs
Cependant repérer les secteurs primaires et secondaires par le caractère marchand ou non des activités d'information réalisées dans l'économie ne va pas sans poser quelques difficultés. Si sur le caractére marchand il semble plus facile de trouver un accord, sur le caractère non marchand les choses sont moins simples. En effet, l'auteur identifie les activités non marchandes aux consommations intermédiaires mais cela l'empêche de traiter correctement les activités non marchandes dans lesquelles, par exemple, intervient l'Etat ou les collectivités locales.
Mais nous suivons l'auteur de ce travail. Le secteur secondaire de l'information correspond aux activités d'information utilisées en produisant des biens et des services de non information. Autrement dit, ce secteur comprend les services d'information produits pour la consommation interne à l'intérieur de la partie du secteur public et de l'entreprise privée qui n'appartient pas au secteur primaire d'information.
Cette nouvelle optique de l'économie fait apparaître des phénomènes que les statistiques traditionnelles cachaient, comme l'a bien remarqué une étude de l'OCDE (15). En effet la définition du secteur d'information et de sa contribution aux grandeurs démographiques et macroéconomiques montrent qu'il y a une croissance remarquable des professions de "traitement d'informations" dans la pénétration de la population active et des biens et services liés "à l'information" dans les comptes nationaux et du flux de trafic international.
2.1.3 Comment les secteurs primaire et secondaire de l'information contribuent à la formation du PIB?
Une fois que l'emploi d'information a été identifié, l'auteur estime la valeur ajoutée produite par ce secteur, contrairement à F. Machlup qui, lui, se contente de calculer le revenu qui revient aux personnes travaillant dans la production des connaissances. Ce choix est d'une très grande importance pour l'analyse économique non seulement pour les comparaisons qu'il permet mais aussi pour les projections qu'on est en mesure de réaliser. L'économie de l'information est alors non seulement une coupure transversale mais aussi une possibilité de connaître les évolutions.
Pour mesurer la contribution des produits de l'information à la valeur ajoutée du secteur primaire de l'information, on adopte fréquemment une hypothèse sur le "niveau technique de la branche d'activité" qui permet d'utiliser les données, très détaillées, au niveau de produits, sur les chiffres de la production brute disponibles grâce aux enquêtes régulières sur la production pour calculer les chiffres totaux de la production nette (valeur ajoutée).
En général si pour toute rubrique, on connaît le rapport entre le produit brut de non information et le produit brut d'information, on peut connaître moyennant l'hypothèse sur le niveau technique de la branche le rapport entre les produits nets. On peut alors estimer comment se répartit un total donné de la production nette (valeur ajoutée) entre les produits informationnels et non informationnels qui composent cette production, même si on ne dispose pas de chiffres précis sur l'allocation des coûts totaux entre produits. Ce type d'hypothèse est fréquemment utilisé dans les études d'input-output.
La mesure de la valeur ajoutée du secteur secondaire pose des problèmes relativement plus délicats. Si on suppose que les employés reçoivent la même part de la valeur "sectorielle" ajoutée indépendemment du secteur auquel ils appartiennent, il est alors possible d'estimer le secteur secondaire de l'information d'une manière particulièrement commode. Il suffit de connaître le personnel employé dans les secteurs primaire et secondaire et le personnel non informationnel, ce qui par définition donne la population active totale employée.
La production du secteur secondaire de l'information sera alors estimée à partir de production totale, du ration du personnel d'information sur le personnel total après avoir enlevé la production du secteur primaire. Ces développements donnent lieu à une formulation mathématique qui nous ne reproduirons pas dans ce travail.
A partir des éléments dégagés de cette analyse il est possible d'évaluer la contribution de ces produits et services au PIB non seulement pour les Etats Unis, mais aussi pour les autres pays, particulièrement ceux de l'OCDE. Nous étudierons cette question dans le chapitre II de cette partie.
2.1.4 L'emploi d'information affecte directement la productivité de l'économie
La connaissance de l'emploi et de la valeur ajoutée fournie par le secteur de l'information permet, le disions-nous, de faire des comparaisons. Les plus simples sont celles qui se font en construisant des indicateurs de productivité. En l'occurence, il s'agit de la productivité apparente du travail.
L'un des éléments les plus remarquables du travail de M. Porat (16) est la série chronologique démontrant la baisse constante du rapport entre la production réelle et l'input pour frais généraux au titre de l'information aux Etats Unis. Pour estimer cette série la formule suivante a été employée:
PIB Nn + (Np - Np Ns/ Nt) + d
Hi = -----------= ---------------------------------------------
s Ns + Np Ns/ Nt + d'
N
Avec:
PIB= produit intérieur brut total
Nn= produit intérieur net dans les branches non informationnelles
Np= produit intérieur net dans le secteur primaire de l'information
Ns= produit intérieur net dans le secteur secondaire de l'information
Nt= produit intérieur net total
d= amortissement du capital non informationnel
d'= amortissement du capital informationnel
Comment peut-on interpréter cette formule? Pour le faire il faut la décomposer. Le dénominateur de cette formule correspond aux activités de planification et de coordination d'information dans les branches, tant informationnelles que non informationnelles. Le numérateur représente la production réelle, déduction faite de l'input pour frais généraux au titre de l'information.
Ce rapport est présenté comme étant un indice de "productivité", en ce sens que, pour tout accroissement des ressources utilisées pour les activités générales d'information (le dénominateur ) , le rapport resterait inchangé s'il y avait une augmentation proportionnelle correspondante de la production réelle (le numérateur). Toute diminution du rapport tendrait donc à montrer un déclin de la productivité pour ces entrées, en ce sens que le surcroît d'activité d'information entraîne un accroissement moindre (si accroissement il y a ) de la production réelle.
Il s'agit d'une mesure de la productivité purement quantitative. La prise en compte de facteurs qualitatifs aiderait à saisir la contribution apportée par les inputs d'information lorsqu'il s'agit de faire concorder les fonctions de préférence du producteur et du consommateur, donnant ainsi une production finale qui correspond davantage à des critères "sociaux" qu'à des critères "quantitatifs".
M. Porat cherche à dynamiser l'analyse de l'économie des Etats-Unis en retraçant son itinéraire sur une très longue période et en faisant une projection de son avenir. C'est ainsi qu'il établit l'évolution de la structure de la population active qui montre une croissance très forte des travailleurs informationnels depuis 1860 et jusqu'à 1975 passant de 5 % en 1860 à 43 % du total en 1975. Cette tendance s'accentue encore davantage si l'on regarde l'évolution de la répartition des revenus selon la structure de la population active. Dans ce cas les gains des travailleurs informationnels sont beaucoup plus importants. En effet la part du revenu du secteur de l'information qui était de 31 % en 1929 passe à 54 % en 1974.
M. Porat exploite les propreètés des tableaux "entrées-sorties" de W. Léontieff afin de mieux connaître les échanges entre les secteurs d'information et le reste de l'économie. On sait qu'il est très simple et utile de fabriquer des tels tableaux pour calculer l'impact des mesures sectorielles (taux de répercusion sur les autres secteurs). A la manière de Léontieff, il teste donc une série d'hypothèses de changements dans les secteurs d'information et la diffusion de ceux-ci dans l'ensemble de l'économie. Il teste, par exemple, les effets de la réduction des dépenses de défense ou de la demande à chaque secteur.
2.1.5 Pourquoi l'économie des Etats Unis est elle une économie de l'information?
L'application de l'approche par l'information à l'économie des Etats Unis a été faite par M.U.Porat. Parmi les conclusions de cette application nous pouvons signaler les deux suivantes:
a) l'explosion du secteur de l'information aux Etats Unis.
En effet, la part de la force de travail employée dans le secteur d'information de l'économie américaine est passée de 5 % à 50 % en un siècle (de 1860 à 1980) comme le montre la figure 1. Cette croissance est plus accentuée pour certaines catégories d'emplois d'information comme, par exemple, celles qui travaillent dans la transmission, l'élaboration et l'exploitation de l'information.
Malgré la croissance séculaire qui s'accentue au cours des dernières décennies, M.U. Porat fait un constat très important: lorsque cette croissance de la force de travail informationnelle s'approche du 50 % de la population active, il se produit une certaine stabilisation de la main-d'oeuvre occupée dans les activités d'information. C'est le phénomène dit du plafonnement du quota d'information dans l'économie.
Le résultat précédent permet de caractériser l'évolution économique des Etats Unis selon les étapes suivantes. Après avoir vécu jusqu'en 1910 en économie agricole, les Etats Unis ont connu de 1881 à 1960 une économie industrielle et sont entrés depuis 1960 dans l'étape d'une économie de l'information. Il faut souligner que la même analyse faite en fonction de la valeur ajoutée donne un résultat semblable pour ce pays.
b) la croissance quadratique de l'information par rapport à la production.
On constate que la part de l'information dans l'économie croît au même rythme que la productivité du travail. Sur la période 1900-1970, la productivité du travail a crû aux Etats Unis de 1,77 % par an en moyenne et la part de l'information dans la population l'a fait de 1,59 % par an.
On constate aussi que la part de l'information croît comme le carré de la production. La preuve est donnée par l'évolution du PNB et de la part du PNB en information (cf. tableau III).
En résumé, l'estimation de l'emploi et de la valeur ajoutée dans le secteur de l'information de l'économie des Etats Unis amene à une conclusion fondamentale: l'économie de l'information est une étape de la croissance caractérisée par l'existence d'un secteur de l'information qui domine l'ensemble de l'économie. Les Etats Unis sont entrés dans cette étape dans les années 60.
Cette conclusion est d'une portée considérable comme nous aurons l'occasion de le voir dans les chapitres qui suivent. En attandant, nous pouvons souligner que cette conclusion peut s'appliquer à d'autres pays et en particulier aux pays de l'OCDE (Cf. Deuxième Partie).
2.2 L'identification du secteur de l'information à partir des activités de coordination et d'organisation dans l'économie aux Etats Unis
Charles Jonscher (17), un autre économiste américain, apporte une réponse à la question en s'inspirant de la contribution de M. Porat et notamment de l'identification d'une économie avec un secteur de l'information. Ch. Jonscher construit un ensemble de modèles qui aboutissent à l'identification du secteur de l'information à partir de la réalité des entreprises. Il s'agit donc des modèles micro-économiques. L'agrégation de ces modèles conduit à la définition d 'une économie avec non pas quatre secteurs, c'était la manière de Porat, mais avec seulement deux secteurs: un secteur de l'information et un secteur de la production des biens physiques.
L'auteur conçoit une économie à deux secteurs: un secteur de production de l'information et un secteur de production de biens physiques (différence avec M. U. Porat que distingue quatre secteurs) puis il pose la question de relations entre les deux secteurs en termes de productivité du travail, et enfin, il jette un nouveau pont entre la micro-économie et la macro-économie à travers la modélisation des activités d'organisation et de coordination de l'économie.
2.2.1 La construction d'une économie à deux secteurs: un secteur de production de l'information et d'un secteur de la production des biens physiques, différente de l'économie à quatre secteurs de M. Porat
Selon Charles Jonscher (18) deux tendances importantes caractérisent le modèle de développement économique des pays industrialisés. Elles concernent l'allocation des ressources destinées à la manipulation de l'information: la création et le traitement des connaissances ou des symboles plutôt de des biens physiques ou des services matériels. Ces deux tendances sont: la croissance de la demande pour les activités d'information et l'émergence de nouvelles technologies informationnelles.
A partir de ces constatations Ch. Jonscher construit un modèle économique à deux secteurs:
a) un secteur d'information contenant l'activité de tous les individus dont la fonction première est de créer, traiter et élaborer l'information;
b) un secteur de production contenant l'activité de tous les individus dont la fonction première est de créer, traiter ou manipuler des biens physiques.
La caractéristique qui définit ces deux secteurs est l'output produit par chaque individu. Si cet output a une valeur à cause de son contenu en information alors l'activité est assignée au secteur de l'information. Les deux secteurs sont représentés par la figure 2 où la ligne pleine signale l'output du secteur de production et la ligne brisée l'output du secteur de l'information. Chaque output est divisé en trois parties: une première destinée à la consommation finale; une deuxième qui sert d'input au même secteur et un troisième qui sert d'input à l'autre secteur. Ch. Jonscher a mesuré le flux de chacune de ces parties pour les années 1945 et 1972, les résultats sont inscrits sur les blocs.
Trois conclusions sont dégagées par l'auteur à partir de ces résultats:
1) le secteur d'information croît beaucoup plus vite que le secteur de la production physique. La valeur ajoutée du secteur d'information augmente de 3,7 fois entre 1945 et 1972, contrairement à celle du secteur de la production physique qui n'augmente que de deux fois dans la même période;
2) l'output du secteur de l'information est utilisé comme matière première de l'industrie plutôt que directement par les consommateurs;
3) le flux simple qui augmente le plus dans cette structure d'input-output est l'input des biens à support d'information tels que la technologie.
Ch. Jonscher étudie les relations entre la productivité de l'économie et le secteur d'information. Cette approche est basée sur un ensemble de modèles micro-analytiques de l'effet des inputs d'information sur l'output ou la valeur de la production ou des activités commerciales. Puis, il calibre ces modèles et fait une application à la prévision économique à un niveau très agrégé.
Soit (FT) Ni / Np = k * It / Ip * ( gp / gi )1/2
Cette formule montre que le ratio force de travail du secteur de l'information à la force de travail du secteur de la production augmente selon le carré du ratio de la productivité du secteur de production à la productivité du secteur d'information (gp / gi)
2.2.2 Les relations entre les deux secteurs de cette économie changent en fonction de l'évolution de la productivité du travail
La figure 3 illustre l'application de ce test aux données des Etats Unis de 1900 à 1970. On voit une comparaison entre l'estimation de la croissance de la force de travail d'information donnée par la formule (FT) et sa croissance réelle en supposant que la productivité du secteur d'information est constante sur toute la période.
Par ailleurs, la figure 4 montre montre le pourcentage du travail d'information dans la force de travail totale (ligne pleine). La ligne brisée montre le ratio à prévoir si le modèle était ajusté à l'année 1900 et, les points intermédiaires dérivés du taux de croissance par travailleur du secteur de production. On voit la coherence de l'estimation avec le trend historique. Cela veut dire que le travail d'information croît proportionnellement à l'accroissement des besoins d'information issus des changements dans la productivité de l'économie.
La figure 5 montre une prévision de la croissance de la force de travail et des différentes productivités à l'horizon 2000. On observe des changements dans la productivité du secteur de production et d'information à la fois. La première partie de la figure reproduit le volume de la force de travail informationnelle en proportion à l'emploi total non agricole; la deuxième partie reproduit trois trends de productivité:
a) la productivité par travailleur du secteur de production b) la productivité par travailleur du secteur d'information et c) la productivité globale de l'économie. Entre 1950 et 1980 les résultats sont fondés sur les données disponibles; au delà de 1980 ils sont des prévisions.
On observe que la productivité change selon les secteurs. Au milieu des années 60 la productivité augmente rapidement dans le secteur de production (4% par an ); tandis que celle du secteur d'information reste à un niveau modeste ( à peu près 1/2 % par an). Cela entraîne une croissance rapide de l'emploi dans le secteur d'information et un déclin sensible de la productivité globale de l'économie car la faible productivité du travail d'information est par définition une partie composante de l'ensemble.
Pendant les années 70, le taux de croissance de la productivité industrielle chute à moins de 1 %. Parrallèlement la productivité du secteur d'information se met à croître du fait principalement de l'introduction de l'informatique dans la production de l'information. Néanmoins cette croissance n'est pas assez forte pour contrecarrer la chute de la productivité globale. Mais la réduction de l'écart entre les productivités des deux secteurs permettrait de ralentir la croissance de la force de travail dans le secteur d'information.
Une prévision pour les années 80 montre que la productivité du secteur d'information augmentera plus vite que celle du secteur de production. Cela entraîne un déclin de la part des travailleurs de l'information dans l'économie dont la part plafonnera autour de 50 %. L'année 1990 cette part reviendrait à 49 % et vers l'an 2000 elle serait autour de 46 %. La productivité globale de l'économie stoppera sa chute et commencera à se redresser dans les années 80 grâce à l'amélioration de la productivité dans le secteur d'information.
Ch. Jonscher va plus loin que cette analyse en termes de productivité des secteurs de l'économie qui est en soi d'un très grand intérêt. En effet il fait aussi une analyse micro-économique qui emprunte deux voies: d'une part, il fait la critique du modèle néoclassique lui-même, et d'autre part, il fait une analyse micro-économique de la structure de l'entreprise.
Sur le premier point, il propose de compléter le modèle néoclassique en tenant compte de l'information en tant que ressouce économique ( notamment l'offre et la demande d'information ). Il se situe ainsi dans la voie ouverte par des économistes tels que R. von Mises (19), F. Hayek (20), G. Stigler (21), J. Marschak (22) ou K. Arrow (23) qui ont essayé de mettre en évidence le rôle de l'information dans le modèle de l'analyse économique.
Quant au deuxième point, il se rapproche de la notion arrovienne et marschakienne de l'organisation ( même si cela n'est pas dit explicitement ) en proposant la reconstruction du modèle global de l'économie afin d'aller vers l'unité fondamentale de l'économie, à savoir l'entreprise.
2.2.3 Les activités d'organisation et de coordination dans l'économie de l'information servent à établir un nouveau pont entre la macro et la micro-économie
Selon Ch. Jonscher, on peut imaginer le problème économique de la société selon un double point de vue:
1) un aspect technique, produire et distribuer des biens et services et
2) un aspect d'organisation, coordonner et organiser les activités de production et de distribution d'un ensemble d'individus.
Le problème technique est un problème de manipulation de ressources matérielles; le problème d'organisation est celui du traitement et de la manipulation de l'information.
Or l'économie traditionnelle est censée s'occuper du problème technique. On suppose une économie contrainte par la capacité des individus à produire des biens matériels mais jamais par la capacité à traiter l'information nécessaire à la coordination et à l'organisation de ces activités productives. On suppose que le problème d'organisation est résolu par l'allocation productive de ressources réalisé à travers le système de prix.
La notion d'organisation est fondamentale pour comprendre l'économie de l'information. Chaque transaction requiert, par exemple, la coordination qui est à son tour fonction du flux d'information. Nous pouvons rajouter que cela est d'autant plus important que l'économie d'échanges monétaires (économie marchande) est développée.
On est ainsi amené à distinguer deux secteurs dans l'économie: 1) "organising", c'est à dire le processus informationnel, de recherche, de direction, de tutorie ou d'enregistrement et 2) "doing", c'est à dire la production et la distribution de biens et de services. Un secteur opère avec des symboles, mots, caractères et messages; l'autre secteur "fait" des choses matérielles.
Du secteur d'information-organisation sont exclus la recherche et l'éducation car ces activités ne sont pas concernées par l'organisation et la coordination des actions des agents économiques (18). La distinction entre "organisateurs" et "producteurs" est independante de la relation contractuelle existante entre les agents économiques.
Le haut niveau de spécialisation d'une économie contribue à identifier mieux les ressources destinées à l'organisation de celle-ci. Cependant il existe des professions difficiles à identifier comme c'est le cas des contremaîtres. A partir de la matrice de compensation d'emploi construite par M.U. Porat pour l'année 1967, pour les Etats-Unis, (cette matrice regroupe les emplois en 422 catégories correspondant à 87 industries qui recouvrent l'ensemble de l'économie américaine), Ch. Jonscher sélectionne 68 catégories (sur 422) concernant principalement le contrôle, la coordination, la recherche, le monitorat ou l'enregistrement de l'activité économique.
Ces catégories sont encore agrégées en 10 grandes catégories (voir tableau IV) pour chacune desquelles Ch. Jonscher calcule le revenu perçu dans toute l'industrie à l'exception du gouvernement local, fédéral et des Etats. Le revenu total des industries concernées s'élève à 450 millions de dollars dont 163 millions de dollars reviennent aux professions contenues dans les 10 catégories (43 % du total). D'où il conclut qu'autour de 40 % du revenu du travail revient à l'activité d'organisation", le reste revenant à l'activité de "production".
Comme il existe un flux d'information à l'intérieur de la structure hiérarchique et un flux d'information entre les unités de production ou les firmes, on peut encore regrouper ces 10 catégories en catégories de professions concernant, premièrement, le marché (catégories 4,7,8,9 et 10), deuxièmement, la hiérarchie (catégorie 1) et, troisièmement, la production et distribution des biens et services (catégories 2,3,5 et 6) . Cela donne les proportions selon un certain ordre: 20 %, 20 % et 60 % (voir tableau V). Ces proportions représentent la répartition de l'effort d'organisation dans l'économie américaine mesuré en termes d'input du travail.
Le résultat précédent est cohérent avec les données très agrégées. Par exemple, si au niveau macroéconomique 10 % de la force de travail est destinée à la recherche on retrouve à peu près la même chose au niveau d'une firme isolée ou d'une industrie. Le nombre d'employés par comptable, de secrétaires par administrateur, de téléphones par bureau est stable à travers les diverses industries. Cela est ainsi parce que les activités d'organisation sont essentiellement des activités d'information. Mais aussi, nous pouvons rajouter, cela montre que dans toute économie le travail d'information est fonction du degré de développement et de conditions de production et de consommation de cette production.
Enfin, la taille, la régularité structurelle et la variation systématique de l'effort d'organisation permettent d'envisager une modélisation de l'économie avec succès. Si 40 % de l'activité économique est concentrée sur un petit nombre d'opérations bien définies d'information (traitement, communication et stockage de l'information), on pourrait faire une description détaillée du modèle des dépenses entraînées par ces opérations.
On pourrait alors avoir 40 % de l'activité économique, ce qui est considérable si l'on tient compte que les modèles économétriques les plus connus ont du mal à bien expliquer au délà de 60 % du comportement d'une économie. On pourrait ainsi envisager une réponse à la remarque de K.T. Koopmans qui s'inquiète des "états de la technologie de l'information comme source principale d'incertitude à laquelle fait face chaque décideur individuel" (25).
Cependant les difficultés que rencontre la bureautique aujourd'hui devraient mitiger quelque peu l'optimisme de Ch. Jonscher. En effet, plus le processus d'informatisation des bureaux se développe plus on découvre des différences entre les opérations réalisées dans la pratique. Cela améne à considérer qu'il faudrait plutôt définir des cadres généraux auxquels devraient se reporter les usagers éventuels (un exemple typique est celui de l'automatisation de documents commerciaux).
2.3 Quelques réflexions inspirées par les approches précédentes de l'économie de l'information
Le long exposé des approches théoriques de l'économie de l'information a été nécessaire pour mieux comprendre sa portée et les liens explicites ou implicites existants avec les théories des étapes de la croissance et des secteurs de l'économie ainsi que les applications et prolongements possibles que l'on pourraient envisager.
L'approche de M.U. Porat définit et isole le secteur d'information de l'économie aux Etats Unis. Dans les faits, l'auteur cherche une réponse à la question de savoir à quelle étape de la croissance se trouvent les Etats Unis. Il va distinguer quatre secteurs: l'agriculture, l'industrie, les services matériels et l'information. Etapes de la croissance et secteurs de l'économie apparaissent donc comme deux idées fondamentales dans cette approche. Deux problèmes sont alors résolus: la mesure de la force de travail employée par le secteur de l'information et la mesure de la valeur ajoutée produite par ce secteur.
M.U. Porat détermine la force de travail informationnelle au moyen d'une grillle d'emplois caractérisée par un objetif essentiel: travailler l'nformation et il établit une typologie d'emplois d'information qui inclus notamment les emplois concernant la production, le traitement, la propagation et l'infrastructure de l'information. La valeur ajoutée est ensuite déterminée à partir d'un secteur primaire de l'information, c'est-à-dire, celui qui est directement liée à l'économie marchande et du secteur secondaire de l'information, ou celui qui fournit des inputs des secteurs de non information de l'économie.
La démarche de Ch. Jonscher est différente mais ses résultats se rapprochent de ceux de M.U. Porat. Ch. Jonscher construit un ensemble des modèles micro-économiques pour isoler le secteur d'information, puis par agrégation il construit un modèle global. Ce modèle est formé par deux secteurs: un secteur de production des biens physiques et un secteur d'information. Ensuite, il détermine les autoconsommations, les consommations intermédiaires et les consommations finales en produit physique et en produit information. Parallelment, il calcule la force de travail occupée par chaque secteur. Puis il calcule trois séries de productivité du travail: la croissance de la productivité du travail des deux secteurs et de l'économie globale.
En faisant tourner ce modèle en projection, Ch. Jonscher établit que la productivité du secteur physique décroît alors que celle du secteur d'information augmente. Néanmoins à partir d'un certain seuil le rythme de croissance de la productivité du premier secteur va s'accélérer et la productivité du second secteur va commencer à décliner. Les courbes des différentes productivités se croisent. Ce comportement différent selon les secteurs se répercute sur la croissance de l'économie globale. A partir de ce résultat il affirme, rejoignant en cela M.U. Porat, que le secteur d'information va plafonner à 50 %.
Quelques observations complémentaires sous forme de réflexions nous inspirent les approches des théoriciens américains. Ces réflexions concernent les points suivants: l'information en tant qu'objet économique et la notion de secteure; l'hypothèse (implicite ou explicite) du plafonnement de l'emploi d'information (abvancée par M.U. Porat et Ch. Jonscher) et, par conséquent, de la croissance du secteur de l'information, et, finalement, les indices de mesure de la productivité et ses conséquences.
2.3.1 Sur la notion de secteur de l'information
L'objet fondamental de cette économie ( si l'on tient compte de ce qui a été expliqué dans les travaux que nous avons résumés précédemment et du fait épisthémologique élémentaire qui consiste à associer à toute science un objet d'étude) est l'information" ou à la limite est lié à l'information. Nous savons par ailleurs que l'information peut avoir un caractère matériel ou immatériel. Mais ce caractère est une source de confusions dans la mesure où les frontières du domaine de l'économie de l'information sont difficiles à déterminer. Ceci, dans certains cas, peut conduire à inclure ou à ne pas inclure telle ou telle catégorie de travailleurs dans le secteur de l'information. Cette frontière imprécise peut donc améner, parfois, à la formulation des hypothèses de travail qui peuvent sembler quelque peu arbitraires eu égard à l'état actuel du système statistique.
La notion de secteur utilisée dans le cadre de l'économie de l'information est aussi une notion qui se prête à des interprétations diverses et qui de ce fait peut entraîner à des confusions dans l'analyse. En effet l'une des clés de l'analyse en termes d'économie de l'information est cette notion de secteur. Ele est en relation étroite avec la notion de branche et de produit, notions qui ont de signification différentes dans le domaine de la comptabilité nationale, en particulier en France. Or, dans les analyses faites par les auteurs américains ces notions n'apparaissent pas explicitées avec sufissanment de rigueur.
A cette difficulté théorique il faut ajouter quelques difficultés d'ordre pratique. Il en est ainsi de l'arbitraire du découpage statistique de l'économie. On sait que le système actuel de comptes nationaux ne permet pas de repérer, et par conséquent de mesurer, comme il se doit de l'être, un secteur d'information dans l'économie. Afin d'introduire l'analyse d'un secteur de l'information, il faut donc refaire un bout de la comptabilité nationale, ce qui est en soi un travail de très grande envergure.
Or cette reconstruction de la répresentation économique entraîne des biais qui peuvent être plus ou moins importants du fait de surplus ou du défaut d'information statistique qu'il est pratiquement impossible de quantifier. Les résultats ont de ce fait un caractère plutôt relatif et approximatif.
2.3.2 Le plafonnement de la croissance du secteur d'information découle de la nature des formules utilisées mais la réalité peut être différente
Ces observations de caractère général étant faites, nous passons maintenant à l'une des questions fondamentales posées par les deux approches américaines. Il s'agit de la question du plafonnement de la croissance du secteur de l'information de l'économie lorsqu'il a atteint un certain seuil de croissance. En effet, les deux modèles d'économie de l'information aboutissent à la même conclusion du plafonnement de la croissance de l'emploi d'information et donc du secteur de l'information lui-même. Selon ces deux modèles il existerait un plafonnement de l'emploi d'information lorsqu'autour du 50 % de la population active est employée dans le secteur d'information. Il en serait de même pour ce qui concerne la valeur ajoutée produite par l'économie du pays (en l'occurrence les Etats-Unis).
Comme les deux auteurs se situent dans le domaine de la prospective, cette conclusion a un caractère fondamental. En effet, à partir de cette question nous allons développer une autre méthode d'estimation du secteur de l'information qui permettra de faire une nouvelle approche de l'économie de l'information.
Curieusement, c'est en faisant l'analyse de la productivité du travail que les deux auteurs envisagent l'hypothèse du plafonnement de l'emploi d'information. Or une critique de cette hypothèse peut se faire donc à partir des formules qui ont servi à mesurer la productivité dans les deux cas. D'où l'intérêt de se pencher sur l'analyse de ces formules de productivité.
Rappelons la formule de Porat, déjà utilisée:
Hi = PIB / Ns (2)
où Hi est intepretée comme une mesure de la productivité; PIB= produit intérieur brut et Ns= valeur ajoutée par le secteur secondaire de l'information.
Cette formule est présentée, rappelons-le encore une fois, comme étant un indice de "productivité" en ce sens que, pour tout accroissement des ressources utilisées pour les activités générales d'information (le dénominateur), le rapport resterait inchangé s'il y avait une augmentation proportionnelle correspondante de la production réelle (le numérateur). Toute diminution de ce rapport tendrait à prouver qu'il existe un déclin de la productivité pour ces entrées, en ce sens que le surcroît d'activité d'information a entraîné un accroissement moindre (si accroissement il y a) de la production réelle.
Or il se trouve que ce rapport est à la baisse aux Etats-Unis. Cela signifie que la productivité du personnel d'information est à la baisse. D'où l'un des fondements de l'hypothèse du plafonnement nécessaire de l'emploi d'information à cause de la faible productivité dans le secteur d'information. Un secteur à productivité décroissante ne peut pas embaucher indéfiniment. Cette hypothèse se trouve en quelque sorte confirmée par la statistique sur l'évolution de la structure de la population active aux Etats-Unis qui montre un certain ralentissement de la croissance de l'emploi d'information au cours des dernières années.
Ce résultat empirique confirmerait donc le résultat auquel aboutit l'approche théorique. Le problème est alors de savoir s'il s'agit d'un résultat qui ait une validité permanente et une portée qui dépasse les frontières de l'économie américaine. Or ceci nous pose d'autres questions que nous aborderons après avoir étudié l'économie de l'information en France et dans les autres pays de l'OCDE. Pour le moment nous examinerons les formules de la productivité.
2.3.3 Les formulations de la productivité semblent circulaires et de fait limitées dans sa validité
Plusieures observations peuvent être formulées à l'égard des formules de productivité utilisées par Porat et Jonscher. Nous n'en retiendrons que quellesques unes, qui sont essentielles à notre avis.
Considérons l'indice de Porat. En premier lieu, lorsqu'on applique cet indice aux deux pays (le Japon et le Royaume Uni) pour lesquels on dispose des données ventilées comparables à celles des Etats-Unis, rien n'indique un déclin constant de la productivité de l'input d'information. On observe même le contraire: l'indice pour le Japon passe de 1,88 (1960) et 2,97 (1965) à 4,15 (1970), et pour le Royaume Uni, de 4,97 (1963) à 6,51 (1972). Il a également été démontré dans une étude sur l'industrie manufacturière du Canada que cet indice, quelque peu modifié pour l'occasion avait augmenté depuis la fin des années 1950 ( voir Deuxième partie).
En second lieu, l'indice lui-même n'est pas indépendant de l'évolution structurelle des secteurs primaire et secondaire de l'information. En effet, on peut considérer l'hypothèse d'un changement de structure dans chaque pays (Angleterre, Japon, Canada par exemple), selon lquelle le secteur secondaire devient progressivement moins important dans le PIB (en proportion) que le secteur primaire. L'expansion du secteur primaire se produit notamment lorsqu'il devient plus rentable pour les entreprises d'acheter sur le marché les services d'information que de les produire elles-mêmes (phénomène connu sous la dénomination d'intenationalisation /externalisation d'activités). Ces changements ont lieu néanmoins dans le moyen terme plutôt que dans le court terme en raison des inerties économiques et financières qui pèsent sur les choix des entreprises. Or ce changement structurel se répercute sur la valeur prise par l'indice.
Troisièmement, si l'on regarde les économies du point de vue des entreprises de services et des entreprises industrielles, on s'aperçoit qu'il existe une sorte d'interpénétration de ces activités. Si l'on peut dire il y une tertiarisation des entreprises industrielles et, réciproquement, il y a une secondarisation des entreprises de services. Certains appellent ce phénomène sous le nom de métaindustrialisation; d'autres parlent d'économies en réseau. Il serait déjà la configuration de la société de l'avenir. Or les activités d'information se trouvent aussi bien dans le secteur tertiaire que dans le secteur secondaire et de ce fait le partage secteur primaire/secteur secondaire de l'information peut être différent selon le degré d'interpénétration des deux secteurs classiques.
Dans le cas de la formule analysée, une augmentation de l'indice Hi pourrait être trompeuse, car on pourrait croire qu'elle signifie un accroissement de la productivité de l'input d'information alors qu'en fait cela traduit simplement une organisation différente des marchés pour la fourniture des services d'information. Plus précisement les branches non- informationnelles se procurent de plus en plus d'information auprès des producteurs spécialisés sur des marchés établis plutôt qu'ils ne le produisent elles-mêmes de manière interne; le problème étant alors de savoir le pourquoi de ce comportement des entreprises. Toutes choses égales par ailleurs une diminution du secteur secondiare de l'information fait accroître le secteur primaire et fait donc augmenter la valeur de l'indice Hi, une simple modification de structure donnant alors une croissance de la "productivité".
Ch. Jonscher part de la formule:
Ni / Hp = k * It / Ip * ( Jp / Ji ) 1/2 (3)
Selon cette formule le rapport de la force de travail du secteur d'information à la force de travail du secteur de la production augmente selon le carré du ratio de productivité du secteur de production au secteur d'information. Autrement dit on établit des liens entre la croissance du travail d'information et les besoins d'information à partir des changements dans la productivité de l'économie.
Il résulte de cette formule que lorsque la productivité augmente rapidement dans un secteur (en l'occurence la production physique), la productivité dans l'autre secteur (en l'occurrence l'information) aura tendance à se dégrader par rapport au premier secteur. L'emploi dans le second secteur augmente de manière relativement plus importante et la productivité globale aura tendance à décliner tout naturellement presque par définition. En revanche, lorsque la productivité du secteur de la production physique chute, la productivité du secteur de l'information se récupère. Cela permet de ralentir la croissance de la force de travail dans le secteur de l'information et l'emploi d'information aura tendance à plafonner.
Nous constatons ainsi que l'hypothèse du plafonnement de l'emploi d'information à laquelle aboutit Ch. Jonscher dans son modèle de prévision découle de la nature même de la formule qui sert à mesurer la productivité qui, elle, est construite de telle façon que l'on obtient une croissance de la productivité dans un secteur sans qu'il soit possible de l'améliorer dans l'autre. Au niveau de l'emploi un accroissement de la productivité dans le secteur de la production s'obtient grâce notamment à une baisse de l'emploi dans ce secteur ou un accroissement de la production de ce secteur pour un emploi qui reste stable. Il en est de même pour le secteur de l'information. D'où formellement le plafonnement de l'emploi d'information est lié à l'obtention des gains de productivité.
En résumé, la plafonnement découle de la nature des outils mathématiques mis en oeuvre et non de la nature des processus de croissance économique qui, eux, sont, n'en doutons pas, beaucoup plus complexes. Ainsi, il est possible que sous un autre regard, mais en s'appuyant sur les définitions des auteurs américains, on arrive même à déplafonner la croissance du secteur de l'information. Nous nous intéréserons à ce problème dans la deuxième partie et surtout dans notre chapitre final.
Notes
(1) Cf. Nos "Théories macro-économiques de l'économie de l'information", doc. dactylographié
(2) Ch. Babbages: "The economy of Manufactures"
(3) Ch. Babbages, op. cit.
(4) Fritz Machlup: "The production and distribution of knowledge in the United States", Princeton University Press, 1962
(5) Peter Drucker:"The coming of post-industrial society", Basis Bistocks Publishers, 1973
(6) Daniel Bell: "The social framework of information society" in Computer age, MIT, 1979
(7) Ch. Jonscher: "Information ressouces and economic productivity", in The Economic information and policy, Vol. 1, n° 1, 1983.
(8) J. K. Galbraith: Le nouvel Etat Industriel
(9) Simon Kuznets: "Croissance et structure économique" Calman Lévy, 1972
(10) J.R. Hicks: "Capital and growth", Clerandon Press, Oxford, 1965
(11) Wassily Leontieff: "La structure de l'économie américaine 1919-1939", Paris 1950
(12) M. U. Porat: "The information economy", Thèse de Doctorat de l'Université de Stanford, août 1976 and "The information economy" Tomes 1 et 2, OT Spécial Publication 7712-USA Dep. of Commerce, mai 1977.
(13) Cf. nos "Eléments d'économie de l'informatique" chapitre 1, doc. dactylographié.
(14) F. Machlup: op. cit.
(15) OCDE: "Les activités d'information, de l'électronique et des technologies des télécommunications", volume I, page 42 1984.
(16) M. Porat: op. cit.
(17) Ch. Jonscher, art. cité.
(18) Ch. Jonscher: "Information and economic organisation". Pacific Telecommunications Conference Proceedings, Honolulu, 1981, pages C7-C12.
(19) Cf. R. von Mises Académie de Sciences de Leningrad 1919.
(20) F. Hayek: "The pure theory of capital" Ed. Effer, 1976
(21) G. Stigler: "The economics of information", Jounal of Political Economy, juin 1961
(22) J. Marschak: "Economics theory of teams", Cowles Foundation Monograph, Yale Unieversity Press, 1972
(23) K. Arrow: "Limited knowledge and economics analisis" American Economics Review, mars 1979
(24) Jonscher: op. cit.
(25) K.T. Koopmans"Three essays on the State of Economic Science" New York Mac Graw Hill, 1957, page 540.
Chapitre 3 L'économie de l'information dans les autres pays de l'OCDE
Maintenant nous allons étudier l'économie de l'inforamtion dans les autres pays de l'OCDE. Malheuresement, cette étude ne peut pas être réalisée avec autant de précision que les résultats statistiques disponibles pour la France nous l'ont permis, de même que cela a été possible pour les Etats-Unis grâce à l'étude pionnière des auteurs américains. Malgré cette dificulté, l'étude de l'économie de l'information dans le cas des autres pays de l'OCDE obeit à une raison de principe: il s'agit des pays, à quelques exceptions près, ayant un niveau de développement comparable. Les enseignements à tirer pourront alors confirmer ou infirmer ce que nous avons constaté dans le cas des Etats-Unis et de la France.
En effet, l'économie de l'information serait aujourd'hui la forme de la croissance des économies dites industrialisées (ou développées). Ce secteur, isolé et estimé devrait avoir alors un poids dominant. Cela pose des nouvelles questions à la recherche. Pour répondre à ces questions, on suppose que le parallèlisme dans l'évolution des économies de l'OCDE (à quelques exceptions près) entraîne l'apparition des mêmes phénomènes dans chaque pays considéré séparement en observant une période qui va de 1960 à 1982. L'étude ci-dessous s'appuie donc, d'une part, sur les satistiques officielles et, d'autre part, sur une enquête menée par la propre OCDE (1).
Comme dans le cas de la France, nous faisons une première approche de la question à partir de l'étude de la distribution de l'emploi entre les trois secteurs traditionnels. A cette étude nous ajouterons celle de la distribution de la valeur ajoutée entre ces mêmes secteurs. Puis nous passerons à l'étude de l'emploi d'information et de la valeur ajoutée dans le cadre de l'économie de l'information.